Regards critiques

Matrice

Alexandra CAMPEAU- Gagnante du concours Été 2020, catégorie Regards critiques

Carte du ciel

Solange, ma voisine d’en haut, est astrologue. Elle m’a proposé de faire ma carte du ciel. Curieuse de nature, je n’ai pas pu résister. Signe solaire lion, lune en scorpion et ascendant gémeaux. Elle m’a parlé de tout, sauf de mes deux sujets de prédilection, mariage et bébé. En lui demandant, elle a baissé les yeux. Je n’avais jamais pensé à la possibilité que je puisse ne pas avoir d’enfants. Je ne m’étais jamais arrêtée pour me poser la question.

2003

Moi : Qu’est-ce qu’il y a, maman ? De quoi vous parlez ?

Maman : Béa a eu ses premières menstruations.

Moi : Ça veut dire quoi ?

Maman : Ça veut dire qu’elle est devenue une femme, qu’elle peut faire des bébés.

Souvenirs

Chez mes parents, en fouillant sous mon lit, j’ai retrouvé Bébé-mou. À cinq ans, j’étais déjà maman de ce bébé à la tête de plastique et au ventre en mousse. Je changeais sa couche, l’allaitais, lui donnais le biberon, le promenais dans sa poussette, lui mettais de beaux pyjamas et lui chantais des berceuses. À cinq ans, je ne savais ni lire, ni écrire, mais je savais materner.

Encouragement

Ma sœur, Émilie, m’a dit qu’elle n’a jamais connu un tel amour, que sa vie est enfin complète, que ça n’a pas fait mal. Une fois Léa dans ses bras, la douleur est disparue. Elle a accouché, il y a cinq semaines, et elle ne peut toujours pas s’asseoir et marcher normalement. Que c’est relaxant un congé de maternité.



Routine

Je n’ai pas envie de courir porter les enfants au soccer, au ballet, à la natation, au karaté. D’être responsable de quelqu’un à vie. Je suis à peine une adulte, à vingt-trois ans, j’ai encore besoin de mes parents et ce n’est pas près de changer. Je veux faire la grasse matinée le dimanche, me concentrer sur mon travail et être indépendante. Faire l’amour à n’importe quelle heure, conduire une moto, partir à New York sur un coup de tête, faire un échange de maison pendant six mois, visiter un nouveau pays en sac à dos chaque année. Être nomade, sans attache.



Solidaire

Je surfais sur des blogues pour trouver d’autres femmes qui redoutent, comme moi, la maternité, quand je suis tombée sur le site de Véro : « Je n’ai jamais compris celles qui tournent le dos à la maternité, confie Camille*, une mère de deux enfants, âgée de 51 ans. C’est anormal. Nous sommes biologiquement conçues pour enfanter. Pour être une femme complète, il faut donner la vie. » Et un homme ? Peut-il être “ vrai ” sans devenir père ? “ C’est différent ”, admet Camille. »[1] Chère Camille*, je comprends que tu aies voulu garder la confidentialité en changeant ton nom. À dire des choses comme ça, moi aussi je l’aurais changé. Selon toi, je suis anormale et incomplète, ce qui vaudra toujours mieux que d’être ignorante et misogyne. Mon seul regret, dans cette histoire, est de savoir que tes enfants grandiront avec la conviction qu’une femme ne peut s’épanouir sans enfanter, contrairement aux hommes, qui sont libres de se réaliser à travers leur travail, le sport, l’art, la politique et partout ailleurs. Cette mentalité ne fait qu’accentuer l’écart entre les sexes, ne donnant pas les mêmes chances à toustes de s’accomplir. P.S. Un psychologue coûte en moyenne 120$/h. Bonne chance, très chère.

Liste de prénom pour mes futurs enfants (2007) :

  1. Jules

  2. Lydia

  3. Ambre

  4. Blair (Gossip Girl xoxo)

  5. Hugo

  6. Nathan (Les Frères Scott)

  7. Noah

  8. Jacob

  9. Alice

  10. Laure-Lou

  11. Aimée

  12. Jeanne



Pourquoi veux-tu des enfants ?

La réponse semble écrite dans le ciel, mais je ne la comprends pas. « Pour donner un sens à ma vie, éduquer et transmettre mes valeurs, continuer ma lignée, mon sang. » Qu’est-ce qu’il a de si spécial ton sang ? Tu veux faire mieux que tes parents ? Tu penses donner un sens à ta vie en faisant un enfant qui va faire un enfant pour donner un sens à sa vie. Et tu me dis que c’est être généreuse ? La planète se meurt, on vit une crise environnementale, mais on me dit que je suis égoïste de ne pas vouloir créer une autre consommatrice ?



Être femme au quotidien

Un client s’est plaint que je ne porte pas de brassière. Mon cousin a trompé sa femme parce qu’elle n’avait plus le temps de s’arranger entre son travail, les devoirs, le souper, le bain, la vaisselle et les lunchs. Il revenait suant de ses games de basket et elle n’avait pas envie de le sucer, elle voulait dormir. Mon voisin a assisté à l’accouchement de sa femme, il m’a confié qu’aucun homme ne devrait voir ça, qu’il ne la désire plus et la voit seulement comme une mère. Nos corps comme des biens publics, des parures.

M’habiter

J’aime mon corps, je me trouve belle et séduisante. Je ne veux pas de vergetures, de péridurale, de césarienne et d’accouchement. Je ne veux pas que mon corps change en mettant au monde un enfant. Je veux être femme sans avoir à être mère. Je veux continuer de me sentir sexy et ce n’est pas superficiel de choisir de me sentir bien. Même si c’est naturel, même s’il peut donner la vie. Si un jour je choisis de devenir mère, j’adopterai, je serai marraine ou j’aurai des chiots. Mon corps, c’est mon cocon et je veux apprendre à l’apprivoiser seule.

[1] STANTON Danielle, Ces femmes sans enfants par choix, Véro, https://veroniquecloutier.com/oser-etre-soi/ces-femmes-sans-enfants-par-choix, le 14 Août 2014.

Source: https://www.pexels.com/photo/silhouette-of...

« C’est plus fort que toi » : Tarquimpol nous explique comment faire rimer 'polyamour' avec 'patriarcat'

J’aimerais commencer par vous avertir que l’auteure de la présente critique – moi, tiens – voue une haine sans mesure au roman dont il sera question. J’ai eu la fort mauvaise idée de l’intégrer dans mon corpus de maîtrise, et si après la première lecture je soupirais déjà de découragement, ben rendue à la sixième, je balançais entre rage suffocante et désespoir absolu.

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